La belle histoire des Banques Alimentaires

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Depuis plus de 34 ans, les Banques Alimentaires agissent contre la pauvreté et la précarité alimentaire.
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Il y a 34 ans déjà : La belle histoire des Banques Alimentaires

Article "j'ai faim"

Tout commence le 13 mars 1984 par l’appel publié dans le Journal la Croix de Sœur Cécile Bigo « J’ai faim »  dans laquelle elle s’insurge sur le gaspillage alimentaire alors qu’il y a tant de pauvres dans la rue, pour conclure :« L’intelligence de l’homme invente d’aller sur la Lune. Son cœur n’ inventera-t-il pas des moyens efficaces pour supprimer le gâchis afin de nourrir toute l’humanité… Quelle est la personne de génie qui surgira et aura assez d’astuce pour mettre en place avec d’autres, le procédé de récupération rapide et efficace des aliments avant qu’ils ne soient embarqués dans les poubelles… ».

Au cours de l’hiver 1984, touché par cet appel et inspiré par le modèle américain et canadien des Food Banks, Bernard Dandrel, décide de créer avec un collectif d’associations (Armée du Salut, Emmaüs, Secours Catholique, Centre d’Action Sociale Protestant et l’Entraide d’Auteuil), la première Banque Alimentaire de France à Arcueil (94) en s’appuyant sur un outil efficace et reconnu pour agir contre la précarité alimentaire : la lutte contre le gaspillage. En quelques années, une cinquantaine d’autres Banques naissent sur le territoire pour former aujourd’hui le 1er réseau d’aide alimentaire avec 79 Banques Alimentaires et 29 antennes.

Interview Bernard Dandrel, fondateur des Banques Alimentaires - Extraits du livre “Aider l’homme à se restaurer”

Les Banques Alimentaires se fixent un objectif qu’elles expriment par une formule étonnante : « Restaurer l’Homme ».

Le double sens du verbe, nourrir et remettre debout, résume en un slogan puissant la finalité de leur projet. Certes, il s’agit de combattre la faim, vieille faim venue du fond des âges, quand l’humanité dans son ensemble « nourrissait » cette crainte permanente de la famine, en étant à la merci d’une mauvaise récolte, d’une guerre, d’un été pourri, crainte permanente de la famine, mais aussi en étant victime de cette faim permanente d’amour, de considération et de dignité...

Nous évoluons dans le paradoxe de la société de consommation : elle prétend nourrir tout le monde et pourtant elle crée et entretient la disette. C’est ainsi que les plus pauvres et les plus fragiles se retrouvent dans la situation précaire des périodes que l’on croyait révolues.
Bernard Dandrel est un prophète, il a vu dès 1976 le fléau arriver et grandir. Il a su formaliser ce malaise naissant dans une société présumée d’abondance, qui au fur et à mesure qu’elle produisait des biens et des richesses, fabriquait silencieusement l’exclusion, la frustration, la malnutrition et la faim. Il militait alors au Secours Catholique et, homme d’action, il souhaitait « faire quelque chose » contre cette misère grandissante... Alors, comme dans la parabole, il a fait « fructifier son talent ». Quoi de plus naturel pour un ban- quier que de créer une banque ? Il existait aux États-Unis, à la même époque, le concept de « food bank » – c’était la solution : une banque alimentaire ! Cela consistait à capitaliser, stocker et distribuer des produits alimentaires, mais il y avait aussi à distribuer des biens qui étaient d’une autre nature... des biens sans prix, puisqu’il s’adressait à l’homme en détresse, aux pauvres. Le défi de cette étrange banque consistait à distribuer avec autant de générosité, les trésors de notre cœur, l’amitié, l’affection, la dignité, et de cela, chacun pouvait être banquier, chacun étant dépositaire de ce trésor. Il suffisait de savoir s’en servir.

Il a développé ainsi la notion du partage, du repas à partager, de la Cène des origines : rompre le pain matériel et immatériel du partage avec les autres. Cela n’a pas été facile. Mettre en œuvre une utopie, une folie, rencontrait des obstacles de tous ordres.

Le livre raconte ces difficultés : comment faire en sorte de recueillir les biens alimentaires, les stocker dans un lieu accessible, les entrete- nir car la nourriture, dans son ensemble, est un bien périssable. Par quel moyen les distribuer et à qui ? Comment faire pour faire naître en même temps le sentiment que ce n’était pas là une œuvre de cha- rité sociale, du nanti vers le plus pauvre, mais d’une œuvre d’amour et de partage entre égaux ? Comment allait-il pouvoir incarner dans le monde matériel cet engagement ?

Avec l’Armée du salut, Emmaus, le Centre d’action Social Protes- tant, l’Entraide d’Auteuil, et le Secours Catholique qu’il représente, Bernard Dandrel crée la première Banque Alimentaire en France. Il trouve un local et la collecte s’organise auprès des entreprises agro- alimentaires. Jacques Séguela, publiciste et Bernard Dandrel ont des accents de saint François quand ils jouent avec le mot d’argot popu- laire qui signifie manger, « béqueter », pour le transporter chez le peuple des Oiseaux, qui signifie alors partager la becquée. Entre la poésie et la dure réalité, ils créent le syncrétisme du don.

La banque grandit par cercles concentriques – d’abord Paris — Île-de- France, puis peu à peu dans d’autres régions, sur le territoire national et au niveau européen, tant il est vrai que ce syndrome de pauvreté et de malnutrition atteint l’Europe entière. Les problèmes logistiques sont immenses. Où trouver ces nourritures ? Près des grandes entre- prises alimentaires, près des surplus européens, mais aussi près des citoyens, ceux de la vie de tous les jours qui en comprennent l’enjeu et qui pensent, au moment de faire leurs courses du quotidien, à ceux dont le quotidien est une galère, une lutte pour la survie, mais aussi une lutte contre l’abandon et la solitude.

Que Bernard Dandrel soit remercié, lui qui, par son exemple, son opiniâtreté, a su créer au milieu du ruissellement des cornes d’abon- dance de la société de gaspillage, une économie de la solidarité, du sauvetage, qui permet à chacun en mangeant à sa faim, de retrouver sa dimension d’homme — d’homme, croit-il, qui est le dessein le plus noble de la création, il le rappelle par son geste : outre le corps, on peut nourrir son esprit, et son cœur d’espérance et de solidarité.

Docteur Xavier Emmanuelli, Président-fondateur du Samu social, Ancien secrétaire d’État à l’Action humanitaire d’urgence, 1995-1997, Président-fondateur de Médecins sans frontières.

 

Paroles de Bernard Dandrel

« Quel bonheur de partager l’enthousiasme de l’équipe et de constater que la solidarité existe vraiment. Et la Banque Alimentaire devient alors un véritable carrefour de rencontres des bonnes volontés qui veulent servir les plus démunis ! »

« C’est en 1976 que tout commence. Un jour, mon épouse m’interpelle « si tu mettais autant d’ardeur au service des pauvres que pour ta clientèle bancaire, il y aurait moins de misère ». Cette réflexion me laisse perplexe (…) mais je finis par dire oui. Dès l’instant où cette nouvelle vie se dessine, mon angoisse et mon appréhension disparaissent. »

« Les Banques Alimentaires sont déjà une utopie : « Collecter de la nourriture ! Ne jamais en acheter ! Se mettre au service des associations qui accompagnent les plus démunis ! ». Mais nous avons concrétisé cette utopie.

Le film des 30 ans : toute une organisation au service du coeur

« La valeur du don fait grandir l’homme dans sa dimension humaine. Il y a 30 ans, la lutte contre le gaspillage a été le fondement de la création de la Banque Alimentaire : dans un même quartier, le même jour, vous jetez des denrées et vous avez des personnes qui ne savent pas comment elles vont boucler leur budget alimentaire. On est sur l’écume des jours. C’est véritablement des denrées sauvées de la destruction. »

« La nourriture, donnée et partagée chaque jour, apporte à l’homme la vie et acquiert une valeur qu’aucun autre bien ne peut avoir. Cette valeur est le fondement de notre action, fondement qui bouscule les lois économiques de nos sociétés, basées sur l’argent. Elle est probablement la clé de notre rayonnement européen. L’histoire des Banques Alimentaires est une formidable aventure. Nombreux ont été les obstacles que nous avons dû franchir. Mais nous avons réussi à garder une cohésion »

« Le principe fondateur des Banques Alimentaires est la gratuité des denrées qu’elles distribuent aux associations. Malgré les difficultés des débuts, j’étais persuadé que si cela fonctionnait aux Etats-Unis, cela pouvait fonctionner chez nous. La lutte contre le gaspillage alimentaire était une évidence. J’ai porté ces convictions en tant que président de la Fédération française mais aussi à l’étranger, en partageant notre expérience et en œuvrant au développement d’un réseau européen de Banques Alimentaires ».

« On n’a jamais vu une association organisée de cette façon-là, sans rien acheter et sans capitaux ! Et parmi ceux qui y croient un peu, certains pensent que la Banque Alimentaire française fonctionnera trois, six mois et qu’ensuite, faute de dons alimentaires, elle fermera ses portes » 

« On trouve beaucoup de solidarité, beaucoup de générosité, malgré ce que l’on raconte. Il faut savoir s’émerveiller “ Bernard Dandrel, Fondateur des Banques Alimentaires

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